The Night de Frederic Malle est un parfum Ambre boisé pour homme et femme
A vrai dire, The Night aurait pu s’appeler Bitch Please tant ce parfum est une leçon de maître. En réponse à l’explosion du oud en parfumerie, Malle et Ropion se posent en observateurs de tous ces arrivistes aussi crédibles que les One Direction présidents du jury au festival de Cannes. Ils vont même jusqu’à avoir l’élégance de ne rien faire remarquer, de simplement poser discrètement leur proposition sur le rang impitoyable des nouveautés. Pas besoin d’un tank de communication fallacieuse pour faire croire à la grandeur du parfum. The Night est grandiose, point. Pourquoi ? Sentez, tout simplement.
Tout est dans ce oud. Absolument tout. La matière brute reflète l’obsession des hommes. L’animalité des créations françaises du début du XXe siècle était conquérante. Celle de The Night est triomphante. Elle ne se cache jamais et tire tout avec elle : dans sa fourrure dorée viennent se lover les caractères les plus sombres et tortueux de l’animalité. Mais ce qui fait vraiment la différence, c’est l’intelligence de Ropion. Voilà un parfumeur qui a compris une des bases essentielles que nous a apprise Jicky et la parfumerie Guerlain : l’animalité est duelle et ne doit pas être qu’un simple aplat. Elle se lie aux autres entités végétales, les propulse, les soutient. Rappelez-vous du Jicky de 1889 où la bergamote embrassait l’animalité et où cette dernière faisait office de fondant dans le reste de la structure du parfum.

Dans The Night, Ropion a réussi à faire jouer le même rôle au oud. Mais tout le propos est d’aujourd’hui : la bergamote d’antan laisse place à une myriade de fruits rouges. Ils scintillent, pétillent et propulsent le parfum dans un spectre olfactif encore jamais exploité : les fruits rouges maîtrisent la toison d’or oudée, le oud rugit et permet de bâtir une colonne vertébrale boisée. Et tout s’enchaîne à la perfection. Une contre-plongée suggère l’arrivée fruitée par une rose merveilleuse. Un contrechamp circulaire présente alors la reine des fleurs dans toute son incandescence : fruitée et lunaire ; animale et charnue, ses facettes réveillent un cœur battant. Mais dès qu’on l’approche, la voilà devenir verte et citronnée… C’est à ce moment là qu’apparaît Géranium pour monsieur. Menthé, électrique, vibrant et très bâti, The Night se cadre sur la forme de ce parfum. Comment d’un oud de 2015, nouvelle structure en soi, Malle et Ropion parviennent à faire un clin d’oeil aux deux grands schémas abstraits de la parfumerie que sont le chypre et la fougère. Du pur génie vous dis-je. Du pur génie.
Ainsi, il me paraît essentiel de mettre en avant comment The Night flamboie par son intelligence et sa maestria. Maestria pour sa réussite technique : faire un parfum aussi extrême, abouti et profondément brillant semblait inespéré. Mais j’aurai senti ça dans ma vie de perfumista.





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